Réserve d’interprétation de l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982

L’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 a transposé à la communication au public par voie électronique le régime de la responsabilité en cascade initialement prévu par l’article 42 de la loi du 29 juillet 1881 sur le droit de la presse.

Selon cet article, le Directeur de publication ne peut être poursuivi comme auteur principal qu’en cas de fixation préalable du contenu.

La loi Hadopi du 12 juin 2009 a ajouté une disposition à l’article 93-3 prévoyant que le Directeur de la publication peut s’exonérer de sa responsabilité s’il démontre soit qu’il n’a pas eu connaissance du message avant sa mise en ligne (pas de fixation préalable à soit qu’il a agi promptement pour supprimer le message dès qu’il en a eu connaissance (ce qui n’est pas sans rappeler le régime juridique applicable aux hébergeurs).

Cette disposition ne s’applique pas au Producteur d’un service de communication au public en ligne. Le Producteur peut donc être poursuivi pénalement en tant qu’auteur principal alors même qu’il n’a pas eu connaissance du message.

Un requérant, estimant qu’il y avait une rupture d’égalité devant la loi pénale, a saisi la Cour de cassation d’une Question Prioritaire de Constitutionnalité.

Saisi le 27 juin 2011 par la Cour de cassation, le Conseil Constitutionnel a rendu sa décision le 16 septembre dernier (n° 2011-164) et a émis une réserve d’interprétation concernant l’article 93-3.

« Considérant, par suite, que, compte tenu, d'une part, du régime de responsabilité spécifique dont bénéficie le directeur de la publication en vertu des premier et dernier alinéas de l'article 93-3 et, d'autre part, des caractéristiques d'internet qui, en l'état des règles et des techniques, permettent à l'auteur d'un message diffusé sur internet de préserver son anonymat, les dispositions contestées ne sauraient, sans instaurer une présomption irréfragable de responsabilité pénale en méconnaissance des exigences constitutionnelles précitées, être interprétées comme permettant que le créateur ou l'animateur d'un site de communication au public en ligne mettant à la disposition du public des messages adressés par des internautes, voie sa responsabilité pénale engagée en qualité de producteur à raison du seul contenu d'un message dont il n'avait pas connaissance avant la mise en ligne ; que, sous cette réserve, les dispositions contestées ne sont pas contraires à l'article 9 de la Déclaration de 1789 ».