En matière de droits de la personnalité et notamment de droit à l'image, la compétence territoriale d'un Etat et donc d'un Tribunal est définie par le règlement n°44/2001 du Conseil européen en son article 5 qui dispose que la compétence est celle du "lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire".
En matière de presse écrite, il n'y a pas de difficulté puisque le fait dommageable correspondant aux lieux où est commercialisé le journal, la revue ou le magazine.
En revanche, en matière d'Internet, le problème est qu'a priori, l'information en ligne portant atteinte aux droits à l'image d'une personne, par exemple, est visible dans le monde entier. Est ce que cela signifie pour autant que la personne "victime" puisse saisir le tribunal de n'importe quel état dans le monde et surtout celui qui serait à même au regard de sa loi et de sa pratique d'être le plus favorable?
C'est une question à laquelle a du répondre la Cour de Justice de l'Union Européenne dans un arrêt du 25 Octobre 2011. La Cour avait été saisie par le Tribunal de Grande Instance de Paris ainsi que le Bundesgerichtshof (Allemagne) concernant un litige opposant un acteur français Monsieur M. et une société éditrice de droit anglais.
Monsieur M. avait saisi le tribunal de Grande Instance de Paris pour atteinte à sa vie privée et son droit à l'image concernant des photos prises de lui faisant état d'une relation avec une chanteuse. ces photos étaient en ligne sur le site de la société anglaise. La société anglaise avait donc soulevé l'incompétence du Tribunal de Grande Instance de Paris.
Le Tribunal a donc saisi la cour de justice afin qu'elle interprète l'article 5 du règlement au regard de la situation particulière que représente un contenu mis en ligne sur Internet.
La réponse de la Cour de Justice est la suivante:
"L’article 5, point 3, du règlement (CE)n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens que, en cas d’atteinte alléguée aux droits de la personnalité au moyen de contenus mis en ligne sur un site Internet, la personne qui s’estime lésée a la faculté de saisir d’une action en responsabilité, au titre de l’intégralité du dommage causé, soit les juridictions de l’État membre du lieu d’établissement de l’émetteur de ces contenus, soit les juridictions de l’État membre dans lequel se trouve le centre de ses intérêts. Cette personne peut également, en lieu et place d’une action en responsabilité au titre de l’intégralité du dommage causé, introduire son action devant les juridictions de chaque État membre sur le territoire duquel un contenu mis en ligne est accessible ou l’a été. Celles-ci sont compétentes pour connaître du seul dommage causé sur le territoire de l’État membre de la juridiction saisie".
L'interprétation faite par la Cour de Justice de l'Union Européenne laisse donc une grande liberté laissée au choix de la personne lésée qui la plupart du temps choisira les juridictions du lieu de son domicile ou de son activité professionnelle.
CJUE, 25 oct. 2011, n° C-509/09 et C-161/10