Dans le cadre d'un litige opposant la société d'auteur belge dite SABAM à un réseau social permettant aux internautes via un espace personnel de mettre à disposition d'autres internautes des oeuvres musicales et/ou audiovisuelles parmi lesquelles certaines font partie du catalogue de la SABAM, le tribunal de Bruxelles a saisi la Cour de Justice de l'Union Européenne d'une question préjudicielle afin de savoir si l'injonction faite à un hébergeur de mettre en place un système de filtrage des informations stockées sur sa plateforme pour empêcher la mise à disposition de fichiers portant atteinte aux droits d'auteur était conforme au droit communautaire.
La Cour de Justice a examiné l'ensemble des directives applicables à ce litige à savoir :
- la Directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique dans le marché intérieure dite "directive sur le commerce électronique";
- la Directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information;
- la Directive 2004/48/CE du 29 avril 2004 sur le respect des droits de la propriété intellectuelle.
A la lecture de l'ensemble de ces directives, la Cour de Justice de l'Union Européenne a jugé qu'elles "doivent être interprétées en ce sens qu'elles s'opposent à une injonction faite par un juge national à un prestataire de services d'hébergement de mettre en place un système de filtrage:
- des informations stockées sur ses serveurs par les utilisateurs de ses services;
- qui s'applique indistinctement à l'égard de l'ensemble de ces utilisateurs;
- à ses frais exclusifs;
- sans limitation dans le temps;
capable d'identifier des fichiers électroniques contenant des oeuvres musicales, cinématographiques ou audiovisuelles sur lesquelles le demandeur prétend détenir des droits de propriété intellectuelle, en vue de bloquer la mise à disposition du public desdites oeuvres qui porte atteinte au droit d'auteur".
Pour ce faire, la Cour de Justice a estimé qu'une telle injonction reviendrait à imposer une obligation générale de surveillance sur l'hébergeur alors même qu'une telle obligation est interdite par la Directive du 8 juin 2000 (article 15).
Elle estime ensuite qu'elle porterait atteinte à la liberté d'entreprise de l'hébergeur puisque ce système de filtrage serait très coûteux et complexe à mettre en place et que les frais pour une durée illimitée seraient à la seule charge de ce prestataire ce qui est contraire à la Directive du 29 avril 2004 qui "exige que les mesures pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle ne soient pas inutilement complexes ou coûteuses".
Par ailleurs, elle considère qu'il y a une atteinte à la protection des données personnelles telle que prévue par la Directive de 1995 au motif que cela "« impliquerait, d’une part, l’identification, l’analyse systématique et le traitement des informations relatives aux profils créés sur le réseau social par les utilisateurs de ce dernier, les informations relatives à ces profils étant des données protégées à caractère personnel, car elles permettent, en principe, l’identification desdits utilisateurs".
Enfin, ce système généralisé de filtrage pourrait aboutir à bloquer des contenus licites.
CJUE, C-360/10 du 16 fevr. 2012