Entrée en vigueur de la procédure en nullité devant l'INPI

Comme prévu, les nouvelles procédures en nullité et en déchéance de marque devant l’INPI sont entrées en vigueur depuis le 1er avril 2020.

Nous aborderons ici uniquement la procédure en nullité et la procédure en déchéance fera l’objet d’une autre actualité.

  1. Qui peut engager une procédure en nullité ?

Tout le monde ! En effet, cette procédure est ouverte à toute personne physique ou morale sans qu’elle n’ait besoin de démontrer son intérêt à agir.

Jusqu’à maintenant, les demandes en nullité ou en déchéance émanaient souvent soit de titulaires de marques considérées comme contrefaisantes soit de concurrents. Désormais, n’importe qui peut demander la nullité d’une marque.

La seule exception concerne la demande en nullité fondée sur un motif relatif c’est-à-dire un droit antérieur. En effet, dans cette hypothèse, seul le titulaire du ou des droit(s) antérieur(s) pourra exercer cette procédure en nullité.

Par ailleurs, le demandeur peut agir seul ou se faire représenter par un avocat ou un conseil en propriété industrielle.

En revanche, la représentation devient obligatoire dans deux cas :

  • Le demandeur n’est ni établi ni domicilié dans un Etat membre de l’UE ou bien de l’EEE.
  • La demande est formée conjointement par plusieurs demandeurs.
  1. Quand peut-on agir en nullité ?

N’importe quand à partir du moment où la marque concernée est enregistrée.

En effet, il n’y a pas de délai de prescription. Cette absence de prescription entraine une insécurité juridique pour les titulaires de marque.

La seule exception concernant le titulaire d’un droit antérieur qui aurait toléré pendant cinq (5) années consécutives l’usage de la marque postérieure. Dans cette hypothèse, au terme de ce délai de 5 ans, il ne peut plus agir en nullité.

  1. Comment engager la procédure en nullité ?

Uniquement par voie électronique et sur le site de l’INPI sur l’espace e-procedures.

Le demandeur peut sauvegarder son projet sur le site de l’INPI avant le règlement des taxes. Il se voit alors attribuer un numéro de procédure et se voit indiquer le délai pendant lequel l’INPI assurera la sauvegarde de ce projet. Au terme de ce délai, le projet est supprimé.

  1. Quels sont les motifs pouvant être invoqués à l’appui de la demande en nullité ?

Il y a deux catégories de motifs qui peuvent être invoqués : les motifs absolus et les motifs relatifs.

a.  Les motifs absolus

Un motif absolu désigne le non-respect d’une ou plusieurs conditions légales de validité d’une marque.

Les motifs absolus sont les suivants :

  • Absence de caractère distinctif
  • Dépôt de mauvaise foi
  • Marque de nature à tromper le public
  • Marque contraire à l’ordre public
  • Marque dont l’usage est interdit légalement
  • Marque composée exclusivement d’éléments servant à désigner une caractéristique du produit/service désigné.

        Une caractéristique peut être la nature, l’origine, la destination, la composition du produit/service.

  • Marque composé uniquement d’éléments devenus usuels
  • Marque constituée uniquement par la forme ou une autre caractéristique du produit/service imposée soit par sa nature soit par sa fonction ou une caractéristique lui donnant sa valeur substantielle
  • Exclusion de la marque :
    • en application de l’article 6 ter de la Convention de Paris.
    • En application de la législation concernant la protection des appellations d’origine, des indications géographiques, des mentions traditionnelles pour les vins ou encore des spécialités traditionnelles garanties.
  • Le signé déposé en tant que marque ne peut pas constituer une marque.

b.   Les motifs relatifs

Un motif relatif désigne un droit antérieur auquel la marque concernée porte atteinte.

Les droits antérieurs pouvant être invoqués sont :

  • Une marque française ou une marque de l’Union Européenne (MUE) déposée (à la condition que la marque soit enregistrée ensuite) ou enregistrée ;
  • Une marque internationale ayant effet en France ou dans l’Union Européenne ;
  • Une marque notoire ;
  • Une marque jouissant d’une renommée en France ;
  • Une marque de l’Union Européenne jouissant d’une renommée dans l’Union Européenne. Dans cette hypothèse, il faut remplir un certains nombres de conditions ;
  • Un nom commercial, une enseigne et/ou un nom de domaine dont la portée n’est pas locale et s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public ;
  • Une dénomination sociale ou une raison sociale s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public ;
  • Le nom d’une entité publique s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public ;
  • Le nom d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public de coopération intercommunal ;
  • Une appellation d’origine ou une indication géographique qui protègent des produits industriels et/ou artisanaux ;
  • Une appellation d’origine ou une indication géographique protégée par le droit de l’Union Européenne.
  1. Durée, déroulement et coût de la procédure

La durée de la procédure est en principe comprise entre 6 mois et 1 an.

La procédure est obligatoirement composée d’une phase écrite d’instruction contradictoire.

Chaque partie devra communiquer ses écritures et pièces par la voie électronique via le site de l’INPI et ce, de manière contradictoire. Il n’y a pas de limite de durée quant à ces échanges.

Les parties ou l’INPI peuvent demander une audition orale qui ne pourra intervenir, en tout état de cause, qu’au terme de la phase d’instruction.

Lorsque la phase d’instruction est terminée et que l’audition orale a eu lieu, le cas échéant, l’INPI dispose d’un délai maximum de 3 mois pour rendre sa décision. Si aucune décision n’est rendue au terme de ces 3 mois, cela signifie que la demande en nullité est rejetée.

La décision rendue par l’INPI a la même force qu’un jugement et peut donc faire l’objet d’une exécution forcée d’une part, et d’un appel suspensif et dévolutif devant la cour d’appel compétente.

Le coût de la procédure est de 600 € et de 150 € par droit antérieur invoqué au-delà du premier droit.

Enfin et il s’agit aussi d’une nouveauté, la partie gagnante peut demander à l’INPI de mettre à la charge de la  partie perdante les frais et charges de la procédure.

  1. Peut-on agir en nullité et en déchéance dans le cadre de la même procédure ?

La réponse est non. Cela a été rappelé dans une décision n° 2020-35 du 1er avril 2020 du Directeur Général de l’INPI.

Les procédures doivent être distinctes.

  1. Compétence du Tribunal Judiciaire

Les Tribunaux judiciaires qui disposent d’une compétence exclusive en matière de marque resteront compétents en matière de nullité de marque lorsque la demande en nullité :

  • Est connexe à une autre action
  • S’inscrit dans le cadre d’une demande reconventionnelle
  • Concerne des droits antérieurs ne relevant pas de la compétence de l’INPI
  • Est faite alors que  des mesures probatoires, provisoires ou conservatoires sont en cours d’exécution.

Bien que cette procédure soit ouverte à toute personne physique ou morale, a priori, seules les personnes ayant un réel intérêt engageront une telle procédure.

En revanche, cette procédure s'avèrera très utile dans le cadre des procédures d'opposition. En effet, dans le cadre des procédures d'opposition, si la marque opposée était potentiellement nulle, il fallait que le titulaire de la demande de marque engage une procédure en nullité devant le tribunal compétent et surtout avant que la décision de l'INPI soit rendue. Or, les délais et le coût d'une procédure judiciaire décourageaient certains titulaires de demandes de marque. Désormais, une procédure plus rapide et moins coûteuse va permettre à ces personnes (physiques ou morales) de demander la nullité de la marque opposée.

06.04.2020