Focus sur le contrat de consortium

Qu'est ce qu'un consortium?

Un consortium définit généralement une coopération temporaire entre plusieurs acteurs en vue de conduire un projet de recherche scientifique.

Plusieurs critères peuvent être soulignés :

  • Coopération: mise en commun de connaissances et/ou ressources (intellectuelles, humaines, matérielles, financières, …) dans un domaine scientifique.
  • Temporaire: le contrat de consortium est un contrat à durée déterminée, qui prend fin lorsque le programme de recherche est terminé. Il s’agit d’un partenariat sans affectio societatis, donc sans création d’une personne morale distincte.
  • Pluralité des partenaires: le consortium permet généralement de former un partenariat entre des organismes publics (organismes de recherche, universités, etc.) et des acteurs privés (industriels, société de services etc…).
  • Conduite d’un projet scientifique: l’objectif du consortium est d’obtenir, à l’issue du programme de recherche, des résultats nouveaux, valorisables et exploitables commercialement par le partenaire privé dans la majeure partie des cas.

Le financement public du projet

La notion de « consortium » est généralement utilisée lorsque le projet de recherche fait l’objet d’un financement extérieur.

La conclusion d’un contrat de consortium est parfois imposée comme condition pour bénéficier de certains programmes de financement nationaux ou européens (ANR, Horizon Europe, …), car il permet aux parties de se conformer à la règlementation européenne en matière d’aides d’Etat.

A ce titre, nous rappelons que l’article 107 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE) interdit par principe les aides publiques aux entreprises, appelées « aides d’Etat », qui peuvent fausser la concurrence entre les entreprises sur le marché intérieur. Des dérogations à cette interdiction sont toutefois prévues, et un encadrement spécifique est prévu pour les aides d’Etat à la recherche, au développement et à l’innovation à travers la Communication de la Commission européenne n° 20114/C 198/01.

L’objet du contrat de consortium

Le contrat de consortium permet de prévoir :

  • L’établissement d’un état des lieux des connaissances antérieures de chaque partie ;
  • L’organisation de la collaboration entre les parties ;
  • L’organisation de la répartition de la propriété des résultats ;
  • La prévision des règles d’exploitation (commerciale et scientifique) des connaissances antérieures et nouvelles;
  • L’établissement des règles de confidentialité et de publication des résultats.

Il doit être rédigé suffisamment précisément pour éviter la survenance de conflits entre les parties en cours d’exécution du programme de recherche et à son issue.

Identifier les connaissances antérieures

Les « connaissances antérieures » de chaque partie désignent généralement :

  • Les connaissances appartenant ou détenues par une partie avant la date d’effet du contrat de consortium ; et
  • Les connaissances obtenues postérieurement à la date d’effet du contrat mais indépendamment de la réalisation du programme de recherche objet du consortium.

Elles doivent être identifiées dans une annexe dédiée afin de les protéger, notamment contre :

  • La divulgation par l’un ou l’autre des parties ;
  • L’appropriation par l’une ou l’autre des parties.

Les finalités et les cas dans lesquels les autres parties bénéficieront d’un droit d’utilisation sur ces connaissances antérieures doivent également être prévus (utilisation pour mener à bien le projet, pour réaliser d’autres recherches scientifiques ou pour une exploitation commerciale).

Organiser le déroulement du programme

Le contrat de consortium prévoit les droits et obligations de chaque partie pendant la durée du contrat. Il encadre en particulier les points suivants :

  • La contribution de chaque partie au programme de recherche :
    • Les moyens (matériels, humains, financiers) apportés par chaque partie ;
    • Les postes de dépenses pris en charge par chacune d’elles ;
    • La répartition des tâches entre elles.
  • La réalisation concrète du programme de recherche (les points suivants sont généralement détaillés dans une annexe dédiée, mais peuvent être repris dans le corps du contrat) :
    • Le lieu de réalisation du programme de recherche
    • Les étapes et le calendrier du programme de recherche
  • Les règles de gouvernance du projet :
    • Identification du chercheur désigné responsable scientifique du projet ;
    • Identification du partenaire désigné coordinateur du projet ;
    • Définition de la composition et des missions du comité de gestion du projet.
  • Les droits de propriété intellectuelle accordés pour la réalisation du projet :
    • Déterminer dans quelle mesure les parties pourront utiliser les connaissances antérieures des autres parties pour la mise en œuvre du programme de recherche.

Prévoir la répartition de la propriété des résultats

Les résultats sont les informations et connaissances nouvelles issues de l’exécution du programme de recherche et pouvant notamment donner lieu à un dépôt de brevet, à du savoir-faire et/ou à des droits d’auteur.

On distingue :

  • Les « résultats communs » : ils sont obtenus grâce à la contribution d’au moins deux parties au contrat. Ils feront en principe l’objet d’une copropriété entre les différentes parties ayant contribué à leur obtention. Toutefois, les parties peuvent également prévoir et organiser l’appropriation de ces résultats communs par une seule partie, à condition de respecter les dispositions relatives à l’encadrement des aides d’Etat à la recherche, au développement et à l’innovation, en prévoyant la rémunération au prix du marché de l’organisme de recherche qui renoncerait à sa quote-part de propriété.
  • Les « résultats propres »: ils sont obtenus par une seule partie, sans contribution des autres parties, dans l’exécution des travaux du programme de recherche. Ils sont en principe la propriété exclusive de la partie qui les a obtenus.

 

En outre, les parties doivent anticiper et prévoir les modalités d’attribution des droits, notamment des quotes-parts de droits de propriété intellectuelle, sur les différents types de résultats obtenus.

Les règles de répartition doivent être suffisamment précises pour limiter les risques de conflit entre les parties et pour se conformer à la législation européenne sur les aides d’Etat à la recherche, au développement et à l’innovation.

Prévoir l’exploitation des connaissances

Le contrat de consortium doit prévoir les droits d’utilisation des différents types de résultats accordés à chaque partenaire (qu’il ait la qualité de propriétaire exclusif, de copropriétaire, ou de non-copropriétaire des résultats).

Il convient alors de distinguer l’usage selon qu’il s’agisse:

  • D’une exploitation commerciale des résultats ;
  • D’une utilisation des résultats à des fins de recherche scientifique.

S’il souhaite bénéficier d’une exclusivité d’exploitation des résultats dans son domaine d’activité, le partenaire industriel doit anticiper et prévoir en amont le principe, les conditions et les modalités de cette exclusivité.

Il est recommandé d’anticiper également les modalités de fixation et de répartition des redevances d’exploitation, notamment dans le cas où un seul des partenaires exploite les résultats.

Enfin, les parties devront prévoir les modalités de prise en charge des frais de propriété industrielle (en particulier des éventuels brevets) ainsi que de défense des droits de propriété intellectuelle.

Une fois les résultats obtenus, les droits précités pourront être rappelés et précisés dans un accord de copropriété.

Anticiper la communication des résultats

Il est essentiel que les parties organisent la confidentialité et les possibilités de publications scientifiques relatives aux différentes connaissances concernées par le consortium.

Il faut concilier les intérêts des parties, souvent divergents en la matière :

  • Le scientifique a intérêt à diffuser les résultats, car son avancement, ainsi que la réputation et les dotations de l’organisme dont il relève dépendent des publications.
  • L’industriel a intérêt à préserver le secret sur les résultats, car cela limite le risque de développement de la concurrence.

Les parties doivent donc parvenir à fixer la durée et les conditions de confidentialité et de publication de manière claire, prévisible et équilibrée.

En tout état de cause, il est impératif que les règles de confidentialité permettent a minima de préserver le secret et donc la nouveauté des résultats jusqu’à la date de dépôt des éventuels brevets.

 

Maélys SAINGRA

 

18.04.2024