Responsabilité de l'éditeur et externalisation de la modération

Comme beaucoup de sites d'édition d'information, le site www.lefigaro.fr a mis en place depuis plusieurs années un espace de commentaires permettant aux internautes d'y insérer des contributions et commentaires personnels.

La gestion de la modération des commentaires avait été confiée à une société tierce. Or, faisant suite à un commentaire considéré comme diffamatoire publié le 17 janvier 2010 par un internaute, la personne concernée avait, conformément à la charte de modération en ligne, adressé un mail le 19 janvier 2010, afin de solliciter la suppression de ce commentaire.

Le 20 janvier 2010, le service de modération informait ladite personne du fait que le nécessaire allait être fait.

Or, il a fallu un nouveau mail du 6 février 2010 au Figaro et au service de modération pour que le message soit supprimé le 8 février 2010.

la personne concernée a, alors, porté plainte et s'est constituée partie civile pour le délit de diffamation publique envers un particulier.

Le Directeur de publication du Figaro a été poursuivi et condamné aussi bien devant le tribunal correctionnel que devant la cour d'appel de Rennes.

La responsabilité du Directeur de publication est prévue à l'article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 modifiée depuis.

Le Directeur de publication comme tout éditeur est responsable du contenu mis en ligne lorsqu'il a fait l'objet d'une fixation préalable c'est à dire lorsque cela a été mis en ligne avec l'accord du Directeur de publication.

En outre, la loi HADOPI du 12 juin 2009 a introduit un alinéa 2 qui prévoit un régime proche de celui de l'hébergeur en ce qui concerne uniquement les contributions personnelles.

Cet article dispose que :

"lorsque l'infraction résulte d'un message adressé par un internaute à un service de communication en ligne et mis par ce service à la disposition du public dans un espace de contributions personnelles identifié comme tel, le directeur ou le co-directeur de la publication ne peut voir sa responsabilité pénale engagée comme auteur principal s'il est établi qu'il n'avait pas effectivement connaissance du message avant sa mise en ligne ou si dès le moment où il en a eu connaissance, il a agi promptement pour retirer ce message".

Contrairement à l'article 6-I.5 de la loi LCEN du 21 juin 2004 qui prévoit que la connaissance de l'hébergeur d'un contenu illicite est acquise dès lors qu'il a reçu une notification par lettre RAR avec un contenu édicté par ce même article. Or, l'article 93-3 alinéa 1 applicable au Directeur de publication ne prévoit aucunement une forme et un contenu spécifique et ne fait aucun renvoi à l'article 6-1.5 de la loi LCEN du 21 juin 2004.

Ainsi, la cour d'appel de Rennes avait retenu que le directeur de publication avait eu connaissance du message diffamatoire par les 2 mails d'alerte.

La Cour de cassation confirme l'arrêt de la cour d'appel en jugeant que:

"M. X. ... avait été mis en demeure, dès les alertes postées par M. E. d'exercer son devoir de surveillance sur ledit commentaire, qui n'avait pas pour autant été retiré promptement".

Par ailleurs, la Cour de cassation ajoute que le fait que le service de modération ait été externalisé n'est pas une cause exonératoire de responsabilité.

En outre, le prévenu ne peut pas se prévaloir "des dispositions régissant la responsabilité pénale des hébergeurs".

Enfin, la Cour de cassation casse l'arrêt et l'annule en ce qu'il a condamné le directeur de la publication à la publication de la décision pendant 15 jours au motif que cette sanction n'est pas prévue par la loi applicable aux infractions de diffamation (article 32 bis du 29 juillet 1881).

Cass. crim., 3 nov. 2015